Ton nom est mon soupir

Dans la nuit torsadée

De secrets et de désirs

Toi, qui marches dans

Le cortège de mes vers

Comme on marche

A l'orée du désert

Toi, qui réinventes

Chaque nuit un conte

Que tu dépoussières

Embrassant à l'intuition

La lèvre chancelante

De la première lueur

Toi, la fugitive du jeu

La mémoire et l'enjeu

Toi, la proche lointaine

Belle Shéhérazade

En ton nom, il n'est rien

Qui me revienne !

*

Laisse-moi te raconter

Laisse-moi te dire !

Inépuisable narratrice

Rassure-toi

La nuit est passée

D'une main fatale

Le jour vient de te sauver ...

Que reste-t-il, Shéhérazade

Des trésors que tu nous as légués ?

Que d'histoires dispersées

Dans les recoins de notre

Mémoire d'Orientales !

Que de balises pour parcourir

La peur au ventre

La nuit sans s'arrêter !

Jusqu'à quand notre sang

Va-t-il couler

Avant que notre parole

Ne soit porteuse

De notre volonté

Et que nos vies

Ne soient plus

Jouées aux dés !

*

L'ange sauvage du désert

Lance le compte à rebours

Et s'envole sans faire de bruit

C'est la mille et deuxième nuit

La nuit de personne

Shéhérazade se dissimule

Dans un vœu de silence

A nos risques et périls

L'aurore surgissant de la nuit

Sera sans porte ni fenêtre

Comme un mur aveugle

Notre hôte du langage

Frissonne à la fin du conte

Enchaînée à jamais

Dans les puissances du doute !

*

Longue sera cette nuit

Mon lit est ouvert

Aux violences de l'angoisse

Nul barque n'y trouvera

Port ni rivage

L'oreiller me taillade la joue

Jusqu'au sang

Les cauchemars du passé

Entrent sur scène

Les absents y reviennent

Pour me brûler

De la tête aux pieds

Comme les Sohan

Et les Shéhérazade

Pour mon salut incertain

Je n'ai qu'une main

Chargée de douleur

Pour témoigner

Je n'ai qu'un poème

Qui tient lieu de mémoire

A mes pauvres cendres

Longue est cette nuit

Et tant d'autres !

*

Combien d'étreintes

Restées sans réponse

N'ont-elles pas chaviré

Vers le plus haut de la mer

Pour ne ramener que

Le bois usé de leur épave ?

Combien de lèvres

Après un antique serment

Ne se sont-elles pas

Ensablées à jamais ?

Des milliers de cœurs

Ici et ailleurs

Réclament un abri vertical

Plus ample que celui de

L'amour sans retour !

Et si nous leur murmurions

A la troisième oreille

Aimance !

Aurions-nous failli

A notre devoir ?

Ou juste semé quelques grains

De fantaisie nécessaire

Pour survivre à notre

Propre poussière !

*

Toi, qui connais mon désir

De briser les chaînes

D'ici et d'ailleurs

Tu me comprends à demi voix

Quand mes mots reverdissent

Sur des tapis rouges étendus

Entre toi et moi

Nul besoin de diaprer l'horizon

Pour me mêler à ton inspiration

Je sais, j'ai laissé couler

De longues années

Avant de lever le voile

Sur mon visage

Mais cela, je saurai

Me le faire pardonner

Malgré mon ignorance

Je saurai parler ta langue

A l'intuition

Je promets que dans la paix de

L'Aimance que tu m'as enseignée

Poème, je serai

Au même titre que toi !

*

Sur quel plan se joue

La quête du bonheur

Qui commence

A notre naissance ?

Le jeu consiste-t-il

A chercher la clé

De notre bonheur

Ou à perdre celle

De notre non-bonheur ?

Depuis le cri originel

Les deux clés se mêlent

Mais ni l'une ni l'autre

Ne manquent de serrures !