"Le saint se réconcilie avec autrui avant même de se disputer avec lui."

 

" Seuls les voyages non prévus par les routes sont de véritables voyages."

 

" Je suis beaucoup plus un artiste lorsque j'écoute Oum Koultoum que lorsque j'écris des aphorismes."

 

Abdelmajid Benjelloun

Hommage

 

J’ai eu  la chance de connaître Mr Abdelmajid Benjelloun grâce à notre ami commun, feu Abdelkébir Khatibi, notre cher ami dont la mort nous a bouleversés l’un comme l’autre, et nous bouleversera encore et toujours.

Ensuite, j’ai découvert ses écrits par la lecture de son livre : "Mama". Je vais donc commencer cet hommage par la lettre que j’avais envoyée à l’époque à l’auteur, juste après avoir fini de lire son livre :

« Permettez-moi de vous dire quelques mots concernant votre livre "Mama", c’est un simple avis de lectrice.

Plus je lisais votre livre et plus je voulais en savoir plus, mais ce n’était pas de la curiosité puisqu’il n’y avait plus de suspens, sachant depuis le début que "Mama" était morte. En fait je me demandais comment vous alliez faire pour vous en sortir, le sujet étant extrêmement dur et douloureux. Déjà moi, qui ne suis qu’une lectrice, je n’en suis pas encore sortie !

Tout d’abord sur le fond. Depuis les premières pages, le lecteur est divisé entre l’amour et la mort, tous deux des sujets terriblement forts. Il nage contre la houle de l’océan, mais votre grande foi en Dieu lui maintient la tête hors de l’eau. Néanmoins ce qui est sûr, c’est qu’on ne sort pas d’un livre pareil comme on y est entré. Que notre mère soit encore en vie ou qu’elle soit morte, cela ne change rien à l’affaire : on se remet en question…

Quant à la forme, je l’ai trouvée assez originale. Vous avez réussi à trouver le bon moule, c’est-à-dire poétique, pour y couler un contenu aussi dramatique. Une forme de roman classique, sachant que le sujet de la mort n’a rien d’évident ni d’attrayant, aurait peut-être découragé le lecteur.

On vous suit de page en page, en espérant découvrir une consolation, même minime, mais lorsqu’on arrive à la fin, on se rend compte que c’est tout le livre qui constitue une consolation, et une belle ! Vous aviez raison de dire que vous lui vouliez quelque beauté. Même la couverture du livre laisse sans voix, tellement elle est magnifique ! Alors cher ami, je vous dis sans m’y appesantir : mission accomplie ! »

Après cette première lecture, j’ai découvert avec bonheur les autres écrits d’Abdelmajid Benjelloun : "Dialogue entre deux croyants", "L’éternité ne penche que du côté de l’amour", "Dogme et friandise", "Une femme à aimer comme on aimerait revivre après la mort" et dernièrement, "Rûmi ou une saveur à sauver du savoir".

Dans "Dialogue entre deux croyants", qui représente une correspondance épistolaire entre l’auteur et son ami Jacques Levrat, prêtre au service de l’Eglise au Maroc depuis 1967, j’ai tout d’abord eu l’agréable surprise de retrouver la personnalité de l’auteur dans ses écrits de manière fidèle et sincère, à tel point que je croyais réentendre ses paroles qu’il m’avait dites lors de nos discussions et au cours desquelles il défendait toujours ses convictions avec une certaine ferveur mêlée de fébrilité, propre aux érudits et aux théologiens. J’y ai retrouvé, de manière plus éclatante, ce que je nommerais sa "force douce" ou sa "douceur forte".

Je m’explique : L’auteur arrive à passer les messages les plus difficiles, et à aborder les thèmes les plus délicats avec une sincérité désarmante et passionnée. Loin de toute haine, il prône l’amour et la fraternité, et en dépit de toutes les différences, il met en relief les ressemblances entre tous les humains. Abdelmajid Benjelloun nous a ainsi offert un livre très précieux, surtout en ces temps de tension et de confusion. C’est d’autant plus admirable que, comme tous les hommes de bon sens, il nous incite à la réflexion sur nos propres convictions religieuses de manière indépendante et sensée.

Concernant les aphorismes de l’auteur, je me permets de citer ce qu’en a dit l’écrivain belge William Cliff dans la préface de "Mama" :

« Il s’agit en l’occurrence essentiellement d’aphorismes, de fragments dans lesquels l’homme s’arrête un moment et interrompt la course du temps afin de faire retour sur lui-même et « noter » (en n’utilisant surtout pas le langage conceptuel du philosophe mais plutôt celui simple et concret du poète, du poète arabe imbu de toute sa tradition littéraire et mystique) ».

Je dirais pour ma part, à propos de son dernier livre "Rûmi ou une saveur à sauver du savoir", qu’il possède l’art et la manière de conduire, en toute modestie, le lecteur vers une grande spiritualité. Une modestie, dont témoigne le début du livre où il a écrit :

« Je ne suis pas écrivain, et je ne veux pas faire œuvre d’écrivain dans cet ouvrage. Je ne me prends pas pour un écrivain, et cela m’est égal. Je veux simplement commettre un écrit sur Rûmi, et peu importe sa forme ».

Un peu plus loin, il a écrit :

« La poésie ne peut jamais être belle que comme une aube secrète ».

Tout est dit ; la discrétion d’Abdelmajid Benjelloun n’a d’égale que sa modestie.

D’ailleurs, c’est encore lui qui a écrit :

« Tout édifice élevé devient mythomane dans les nuages ».

Maria Zaki (28 novembre 2010).

http://fr.wikipedia.org/wiki/Abdelmajid_Benjelloun